mercredi 4 mars 2009

Edwy Plenel : une vérité des faits sans fondements

J’étais heureuse d’avoir été invitée à venir à l’une de ces grandes messes - grandes, mais bien sûr aussi intimes, voire intimistes -, dont le Cercle Républicain a le secret. Ceci pour écouter Edwy Plenel, l’ex big boss du journal Le Monde, et entendre ses certitudes : celles d’un homme de conviction certes, mais aussi d’un homme fondamentalement enraciné dans un passé revendiqué, mais qui en même temps s’en défend. Subtile alchimie que voilà!

Que devient son exaltation du «secret privé» dans l’affirmation d’une réelle hostilité à l’anonymat sur le Net? Comment articuler la confiance de l’interlocuteur livrant ses sources avec une réelle transparence, où en sont les nécessaires nouvelles règles de l’info-éthique… ? Citer René Char peut être émouvant, cela ne contribue pas forcément à l’action immédiate ! Il est bien vrai que la vulgate ainsi présentée est clairement basée sur des concepts sans prise avec la réalité et surtout dépourvue de la moindre argumentation, sans gestion même de la moindre préconisation, ni prise en compte des contraintes des diverses affirmations émises.

Je reprends ici ses quelques mots fétiches de notre intervenant, à commencer par tout ce qui peut naturellement attenter à la fabrique informationnelle de demain (ou encore la conforter).
Ainsi en est-il de la « raison d’état », du « mensonge d’état » : combien sommes-nous loin de la réalité! Non que de tels mots ne recouvrent évidemment des réalités las trop bien connues, mais ce n’est pas là le danger majeur qui nous attend dans un monde de réseaux qui seront formés entre acteurs étatiques et non étatiques et dont le noyau sera constitué par des commissions internationales d’experts chargées d’informer ou de surveiller certains aspects de la gouvernance. L’ère «westphalienne» est décidément bien loin! Ce n’est pas étonnant, tant notre orateur ne voit pas voir le monde de 2025 !

Voilà qui nous amène aux «sachants» et à ce qui est des principales entrées d’un abécédaire qu’il nous faudra bien compléter un jour: l’éducation et notamment «l’éducation populaire»: nous voilà revenus en 1900, à des années lumières de l’économie basée sur la connaissance qui se construit sous nos yeux! De même en est-il de la curiosité, pour laquelle les formulations apparaissent plus proches du Moyen-âge que de la Renaissance et où tout est absent: de la géolocalisation de l’information à l’internet des données, quelle place pour une pseudo-vérité des faits? Où est la vision de ce que seront les hubs et les flux de l’information? Que veut-dire dès lors un souhait comme celui demandant à «tout noter», si ce n’est que là encore nous sommes davantage en présence des fantasmes du 19e siècle que du courage de faire face aux enjeux des prochaines décennies!

La générosité, bien sûr. Mais cela suppose aller chercher pour autrui les potentialités de demain. Le rapport au passé et les ravages actuels d’un présentisme aberrant: essentiel en effet, mais cela veut dire nécessité d’une gestion de l’identité qui ne se limite pas aux marges bien pensantes des épisodes coloniaux ou autres! Une transparence enfin somme toutes bien mal servie…

Irritante, mais aussi passionnante que cette présentation de la boite à outil du gentil contestataire, ne songeant en rien aux obligations présentes et futures pour réformer une France archaïque plus proche en effet de «Jurassik Park» que de «l’achèvement de la République». Une telle improvisation avait ainsi un vrai mérite: celui de la mise en lumière d’une grille de lecture d’un autre temps.